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jeudi 21 décembre 2023

Entretien avec Bernard Émond

 

Préserver un peu de la beauté du monde (1)

 

Tu ne pourrais pas être née à une meilleure époque que celle-ci où on a tout perdu. 

Simone Weil (2)

 

Dans un article très cinglant publié en juin 2020,  tu écrivais d’entrée de jeu : « Faisons comme si la parole des intellectuels avait encore du poids dans le Québec contemporain, et par parole, je n’entends pas le babillage médiatique, intervention de quatre-vingt-dix secondes […]. Faisons comme si et posons la question. Que doit-on attendre des intellectuels dans le combat politique pour l’indépendance (3)?»  Je tords un peu ta question adressée aux intellectuels : sachant que l’esthétique et l’éthique ne font qu’un,  toi qui as écrit qu’il y a trop d’images, que doit-on attendre de ton cinéma (4)?

Bernard Émond ‒ Je pense que je fais du cinéma de la même façon qu’on peut lutter pour l’indépendance, c’est-à-dire sans espoir, en sachant que le cinéma que j’ai aimé n’existe plus, de la même façon que l’indépendance est maintenant presque certainement hors de portée. Alors si je fais encore des films dans ce monde encombré d’images, c’est pour faire exister encore un  cinéma… comment dire, des films pour adultes… La majeure partie du cinéma contemporain infantilise le spectateur, moi je le prends au sérieux… Je fais des films parce que j’aime le cinéma avec passion et c’est peut-être la raison pour laquelle je vois de moins en moins de films. Parce que j’aime le cinéma, j’ai envie, par admiration pour les œuvres qui m’ont tant donné, j’ai envie d’essayer de continuer, à ma façon, ce travail du cinéma. Les grands cinéastes du XXe siècle m’ont fait ce que je suis. J’ai une immense gratitude envers eux. Alors, c’est un peu pour continuer. Je fais du cinéma comme on prierait…

Celui que les médias aiment appeler le pape de la Nouvelle vague, Jean-Luc Godard, est décédé récemment (13 septembre 2022).  Est-il un de ceux à qui tu adresserais ta prière?

B.É. ‒ Non. Jeune, j’ai beaucoup admiré les films de Godard, mais avec le recul, je le juge plus durement. C’est un grand styliste, un innovateur formidable. Ses premiers films sont tout simplement extraordinaires. Je trouve qu’À bout de souffle, Bande à part, Une femme est une femme sont des films formidables, mais au fil du temps je me suis de moins en moins intéressé à son travail, probablement parce que son entreprise de déconstruction du cinéma m’apparaît au bout du compte assez stérile.

Soutiendrais-tu que ton cinéma est en porte-à-faux avec cette entreprise de déconstruction, qui se réclamait pourtant de la révolution, du rejet de la norme dite bourgeoise, capitaliste ?

B.É. ‒ Tout à fait, et c’est assumé. De toute manière, que reste-t-il encore à transgresser, à déconstruire? Les audaces formelles me lassent. Elles sont d’ailleurs maintenant devenues la norme dans une sorte de va-et-vient constant avec le monde de la publicité, ce qui devrait nous alerter. Je préfère fabriquer des films classiques, attentifs aux personnages et au monde qui les entoure. On n’en aura jamais fini avec l’humain. L’entreprise de déconstruction de la culture occidentale à laquelle on assiste en ce moment m’attriste profondément, et chacun dans notre domaine nous avons des choses à préserver. Du côté de la culture, du côté de la langue, de la littérature, des arts. Je me rappelle d’un texte de Lévi-Strauss sur la peinture, « Le métier perdu ». Il déplorait qu’on n’ait plus besoin de vingt ans d’apprentissage pour devenir peintre, que le métier se soit perdu au profit de la spontanéité, de l’expression de soi. Je regrette ça. Je pense que l’expression de soi est ce qu’il y a de moins intéressant dans la pratique artistique. Ce qui est important, c’est l’attention au monde, la qualité du regard qu’on porte sur le monde. Pour moi, il y a une tradition au cinéma qui est à préserver, et pas seulement pour ce qu’on appelait le cinéma d’art et d’essai… On a juste à regarder, par exemple, les comédies américaines des années 1940-50, pour voir à quel point c’était bien écrit, bien tourné. Il y a un savoir-faire, un respect du métier et du spectateur. On regarde les films d’Ernst Lubisch ou de Billy Wilder : c’est formidable à quel point ils s’adressent à l’intelligence du spectateur. Ils le font rire intelligemment, avec subtilité.

Il y avait une courtoisie envers le spectateur.

B.É. ‒ Une courtoisie, oui! Le romancier américain Don DeLillo écrit que le capitalisme détruit les nuances dans la culture, « Capitalism burns off the nuance in a culture ». Il est arrivé ça au cinéma. Il reste des films forts, bien sûr, mais la tendance lourde est à la destruction des nuances…  On ne porte pas attention à la langue, à la complexité des personnages et des situations, on ne prend pas soin des nuances.  Le hors champ, par exemple, est tellement important : pour le son, pour l’image. Aujourd’hui, on montre tout, or ce qu’on ne voit pas dans un film est aussi important sinon plus que ce qu’on voit. Et ce que les comédiens donnent à voir n’est pas plus important que ce qu’ils cachent. C’est pareil pour leur personnage. Quand on écrit, quand on tourne un film, on dévoile un personnage. Il ne faut pas qu’il soit en pleine lumière, sinon ce n’est qu’un pantin, un véhicule pour les intentions du cinéaste.

Il y a justement beaucoup de non-dits dans tes films, des silences, de la lenteur. Dans Il y a trop d’images, tu donnais en exemple des films que tu aimes ceux des frères Dardenne, notamment  L’enfant (5). Ton livre remonte à il y a plus de 10 ans. Depuis ce temps, qu’as-tu vu? Quels sont les cinéastes que tu aimes…

B.É. ‒   Je dois avouer que je ne suis plus l’actualité du cinéma, peut-être parce que je suis devenu allergique au monde contemporain, et encore plus à la façon dont les films actuels le représentent. Je vois encore pas mal de films, mais ce sont des vieux films. Je retourne à Bergman, à Rossellini, à Fellini, à Kurosawa, à Ozu. J’ai revu récemment Ordet, de Dreyer, j’ai pleuré. Je me nourris encore de ce cinéma-là, qui a une âme, je ne sais pas comment le dire autrement, et qui me bouleverse toujours autant.  Quand j’ai regardé Les Communiants  de Bergman dernièrement,  j’ai été bouleversé, même si c’est la dixième fois que je le vois. Revoir les Rossellini, c’est formidable… Les premiers Godard. Le cinéma italien des grandes années. Je fais d’ailleurs souvent des emprunts à des films du passé : il y a Pour vivre ici (2018) qui reprend la structure d’un film de Ozu, Tokyo Story, et La neuvaine (2005), qui s’inspire de Europe’51 de Rossellini, puis La donation (2009) qui reprend la structure d’ensemble de Barbe rousse de Kurosawa. Et cela, sans parler des citations de cadre ou de mise en scène. J’aime ces œuvres. Je n’ai pas le même plaisir à visionner  des films contemporains. C’est peut-être normal qu’un vieil homme soit plus attaché aux films de sa jeunesse. C’est peut-être aussi simple que ça, mais je crois pourtant qu’il y a quelque chose de plus profond qui s’exprime là-dedans… si je continue de faire des films, c’est parce que je pense qu’en m’approchant de mes personnages, comme je viens de le faire dans Une femme respectable, j’essaie de préserver un peu de la beauté et de la complexité du monde. C’est ça qui m’intéresse. Je pense que je rejoins des gens qui ont besoin de ça. Je ne le pense pas seulement, je le sais. D’où ma boutade de tout à l’heure sur le cinéma pour adultes plutôt que pour « enfants », mais  c’est vraiment ça : un cinéma qui n’infantilise pas le spectateur, qui fait appel à son intelligence, à son sens des nuances. Écoute… Quand j’ai dû défendre le scénario d’Une femme respectable auprès des institutions de financement, un intervenant m’a dit : oui mais au fond, quelle est la motivation du personnage principal, Rose? La motivation du personnage? Une motivation? Comme si on était tout d’un bloc! Non! Nous sommes complexes et contradictoires. J’ai envie de montrer ça, de rappeler aux gens que la beauté de la vie est justement dans cette complexité, dans ces contradictions. Pour cette raison, j’aime ce personnage de Rose dans le film. D’abord il est interprété par Hélène Florent, une comédienne d’un talent, d’une beauté, d’une subtilité extraordinaire. Et le personnage de Pirandello est formidable. C’est un personnage complexe, contradictoire dans son humanité même.

 Ton dernier film ‒ adaptation d’une nouvelle de Pirandello,  « Toute la vie, le cœur en peine (6)» ‒ met en scène un conflit amoureux, un conflit conjugal. Mais ce conflit conjugal comporte aussi un conflit de classes sociales.  Il me semble que ton film va à la source d’un rapport homme-femme caractéristique de l’histoire sociale du Québec. Je me trompe ou pas?

B.É. ‒ La nouvelle de Pirandello aurait pu se passer au Québec. Le conflit entre Paul-Émile Lemay et sa femme, Rose Lemay, leur histoire sont très riches. Pour moi, la toile de fond du film se trouve dans le conflit de classes, mais l’histoire ne se résume pas à ça. J’ai eu envie de la situer pendant la crise économique des années 1930, à cause du chômage, de la misère, parce que les rapports sociaux étaient pour ainsi dire mis à nu. Le personnage de madame Lemay appartient à la classe des notables, la bourgeoisie régionale de Trois-Rivières, la patrie de Duplessis. Son mari Paul-Émile a fait des études, mais c’est un fils de jobber et on voit qu’il n’a pas abandonné sa parlure. Sa langue est restée celle de son père, celle de son enfance. Il y a, bien sûr, cet affrontement entre une bourgeoise et un fils d’ouvrier, mais il y a aussi le devoir, le désir, l’enjeu des enfants, l’amour aussi toutes choses qui ne se réduisent pas au conflit de classes. Quand j’ai commencé à travailler avec les comédiens, je leur ai dit à propos des personnages : je ne sais pas ce qu’ils veulent; je ne sais pas ce que Rose veut, je ne sais pas ce que Paul-Émile veut et eux-mêmes ne le savent pas. Les comédiens sont vraiment entrés dans ce jeu-là, ils ont raffiné les personnages dans leurs incertitudes, dans leur indécision, dans leur trouble. Ils les ont rendus humains, vraiment humains. Je trouve formidable l’interprétation de Martin Dubreuil. Son personnage est plus complexe que  le Marco de Pirandello qui n’est pas autre chose qu’un salaud. Bien qu’il soit buveur et coureur, Paul-Émile est aussi un bon père qui aime ses enfants et c’est ainsi qu’il révèle tout un arrière-plan social, culturel, des rapports hommes-femmes au Québec.

Ce que j’aime dans l’histoire de Rose et Paul-Émile, c’est qu’elle n’est pas simple… Rose a aimé son mari en dépit de tout ce qui les sépare. Quand elle décide de le reprendre chez elle, c’est bien sûr par devoir (ils sont toujours mariés) et par charité chrétienne, mais c’est aussi parce qu’elle veut le ravoir. Cet homme-là n’est pas comme elle voudrait qu’il soit, mais elle le veut quand même. Elle n’est pas insensible à son désir, à son regard. Mais en même temps, elle sait très bien que si elle se retrouve au lit avec lui, les choses vont reprendre comme avant : il va se remettre à boire et à courir. Pendant un long moment, Rose n’arrive pas à sortir de ce dilemme. Et puis il y a les enfants. Elle veut leur venir en aide, mais elle les veut aussi pour elle.

Dans ce drame, les enfants sont effectivement un « enjeu ». Ils apparaissent comme valeur d’échange. C’est lourd de conséquences, psychologiquement pour les enfants d’abord, et pour le père, Paul-Émile, qui aime sincèrement ses enfants;  moralement ensuite pour n’importe quel témoin de cette histoire, notamment pour le spectateur en ce sens que tu fais appel à son jugement moral. Personnellement, j’y vois une espèce de pacte plus ou moins conscient, de contrat tragique entre Paul-Émile et Rose : elle ne peut pas avoir d’enfants, mais il se séparera des siens  pour lui en procurer : trois filles qu’il a eues avec une femme qu’il a aimée et qui l’a aimé en dépit de sa vie dissolue. Des enfants que Rose n’aura pas eu besoin de concevoir, de porter, d’éduquer à la petite enfance. Mais pour Paul-Émile, qui est attaché à ses  enfants, et réciproquement, c’est terrible! On en revient au vieux fond tragique de l’histoire de la société québécoise : le fameux père absent. 

B.É. ‒ Oui, mais il y a une impossibilité  matérielle : il ne pourrait pas s’occuper seul de ses enfants et de les faire vivre dans un chantier en Ontario. D’une certaine façon, Rose sauve les enfants d’une vie de misère, de l’orphelinat peut-être, ce qui était à l’époque courant pour les familles pauvres qui n’arrivaient plus à prendre soin de leurs enfants.

Parlons de cette impossibilité. Il y a une phrase terrible de sens prononcé par le « bon » curé. Elle scelle en quelque sorte le verdict de ce milieu bien-pensant sur ton personnage de fils de jobber : « Un homme comme lui n’aura aucune chance devant un juge face  à une femme comme vous. » La phrase est dite  quand Rose vient se plaindre au curé que Paul Émile l’a agressée. La veille, il est rentré saoul et a menacé Rose. Mais dans quelles circonstances!! Rose vient de briser une liaison possible entre lui et une autre femme, l’institutrice jouée par Brigitte Lafleur, lumineuse dans cet univers plutôt sombre.  Une tout autre histoire s’offrait alors à  Paul-Émile et à cette femme qui semble l’aimer et qu’il semble aimer sincèrement, et pour Rose bien sûr, parce qu’elle n’aurait pas obtenu la garde des enfants.  Autrement dit, pour briser cette relation, Rose est prête à jouer de tout son prestige social pour que l’institutrice s’efface de la vie de Paul-Émile, sans quoi elle perdra son travail.  Ce n’est pas rien! On voit de quoi cette femme est capable. On peut comprendre la colère et la frustration de Paul-Émile, non?

B.É.‒ Je veux bien, mais il faut aussi voir le point de vue de Rose. Elle héberge son mari pour lui venir en aide, à lui et à ses enfants. On sent qu’elle n’a pas cessé de l’aimer. De l’aimer mal, sans doute, mais de l’aimer quand même. Et voilà qu’il se remet à boire et à courir et qu’il va jusqu’à inviter celle dont il veut faire sa maitresse chez sa femme! Bien sûr on a ici le conflit de classe, la coalition des notables contre un homme ordinaire et mal pris. C’est injuste et terrible, mais l’histoire ne se réduit pas à ça. Pendant le montage, j’ai montré le film à une dizaine de personnes. Il y a des gens qui ont vu une sorte d’héroïne en madame Lemay, d’autres qui voyaient plutôt en Paul-Émile un homme floué. Et moi je suis content, parce que les deux interprétations sont vraies. D’une part madame Lemay est brave, elle maintient sa dignité et sa liberté, mais elle est le produit d’une classe sociale. Il y a des rapports d’oppression qui jouent dans les deux sens. Les deux époux sont prisonniers de leur rôle social. Elle aurait aimé l’aimer, elle aurait voulu le garder avec elle. Lorsqu’elle est en train de battre la pâte à crêpe, il vient l’embrasser. Il aurait été plus doux, plus délicat, ça aurait marché. Elle s’était mise belle pour lui. Elle avait senti dans les scènes précédentes qu’il la désirait… elle se met belle, ils se regardent, elle le désire aussi, c’est clair. Et là, il s’approche d’elle. Il hume son parfum, elle se renverse sur lui, la tête en arrière, elle est prête. S’il avait été plus délicat…  mais non! C’est tout juste s’il ne saute pas dessus… Évidemment, s’il avait été plus doux et qu’elle s’abandonnait, comme des lecteurs du scénario me l’ont suggéré, il n’y a plus de film ou en tout cas c’aurait été un autre film.

J’ai retrouvé un conflit assez semblable dans une des nouvelles de ton recueil, Quatre histoires de famille, « Le fils de Doria » (7). Paul a longtemps vécu avec l’idée que son père avait été un homme mauvais, incapable d’affection. Sa mère, assez sournoisement, entretenait cette image négative de son père. Plus tard, quand Paul renoue avec son père, il découvre un tout autre homme. Celui-ci a refait sa vie avec Doria, une Acadienne  avec qui il aura un fils. Paul découvre en son père un homme tendre, attentif, affectueux. Ce n’est pas exactement l’histoire de Paul-Émile, « le mauvais père », mais ça lui ressemble, non?

B.É. ‒ Écoute, je n’avais pas vu ça. Il y a certainement des éléments de mon histoire personnelle qui se retrouvent un peu partout dans ce que je fais, et pas toujours de façon consciente, mais assez consciente dans le cas de la nouvelle dont tu parles, « Le fils de Doria ». Ici, je savais bien que j’empruntais  à ma mère, à mon père. Mais c’est quand même fou, je ne m’en suis pas rendu compte quand j’ai fait le Pirandello. C’est le personnage de Rose que j’aimais. Finalement, je retrouve d’une manière ou d’une autre des personnages que je connais. Mais il n’y a pas d’emprunt conscient à Pirandello dans « Le fils de Doria ».

Pourquoi adapter une nouvelle de Pirandello plutôt que de tourner une de tes fictions ? 

 B.É. ‒  C’est la deuxième fois que j’adapte un écrivain. J’avais adapté Tchekhov pour Le journal d’un vieil homme (2015). J’aime ce travail. Quand on puise dans des œuvres de cette richesse, c’est, comment dire?... J’ai l’impression que mon propre imaginaire ne se tient pas à cette hauteur-là. J’ai trouvé dans les nouvelles de Tchekhov et de Pirandello une complexité que je ne suis pas capable de cerner. En tout cas pas comme eux. Quand je lisais la nouvelle de Pirandello, quand je découvrais madame Lèuca, j’avais hâte de filmer la comédienne qui l’incarnerait. Je me disais que ça allait être formidable de chercher une comédienne qui serait capable d’incarner ce personnage.  Que ce serait un bonheur de la regarder, la filmer. Mais pour en revenir au travail d’adaptation, plonger dans un texte littéraire, puis en  extraire un film, c’est un exercice passionnant. C’est fou parce qu’en général, quand on a vu un film et qu’on a lu le livre, on dit la plupart du temps que le livre est meilleur que le film, et le plus souvent avec raison. Mais ça ne m’a pas arrêté, l’envie était trop forte. La réponse la plus simple à ta question de savoir pourquoi j’ai adapté la nouvelle de Pirandello, c’est qu’un été j’ai lu l’intégrale des nouvelles de cet auteur (il en a écrit des centaines) et que cette nouvelle-là m’a bouleversé. Alors sans trop y penser, j’ai eu envie de l’adapter. Mais une fois le film terminé, je me rends compte que cette nouvelle touche à des thèmes que j’ai fouillés toute ma vie : la perte et la nécessité du lien. Je l’ai dit, je l’ai écrit souvent, j’ai passé ma vie à voir reculer ou disparaître des choses qui me tenaient à cœur : l’indépendance, le socialisme, les solidarités familiales, un certain rapport à la culture et à l’histoire québécoises. Et je n’ai cessé de rappeler la nécessité des liens. Or dans cette histoire de Pirandello, on est devant une famille éclatée dans un monde qui se délite et devant un couple qui cherche à recréer quelque chose malgré leurs différences et les blessures du passé. Ils s’y prennent mal, ils ne savent pas ce qu’ils veulent vraiment, mais malgré tout ils sont attachés l’un à l’autre, d’un attachement qui est à la fois une contrainte et une volonté. Et ils sont attachés aux enfants, bien sûr. À la fin, il reste quelque chose de ce lien, malgré la séparation, malgré la douleur.

Le lien humain est effectivement un thème majeur de ton travail, mais ces liens, incarnés dans une histoire concrète, ne vont pas de soi. Ils ne sont pas donnés une fois pour toutes et ils peuvent, ils doivent même être mis en question. Et je parle autant des liens privés que collectifs. Il existe des liens qui libèrent, d’autres qui aliènent. C’est peu dire que tes personnages mettent les liens à l’épreuve, qu’ils les font, les défont et les refont. À tel point que la perte, ou la rupture,  conduit souvent tes personnages  à une forme d’absolu que ton esthétique valorise. C’est ce que tu appelles la beauté du monde, sa complexité. Je m’explique. J’avais un peu analysé cette question du lien dans un article sur ton  film Tout ce que tu possèdes (2012) (8). Pierre Leduc, ton personnage principal, est en rupture avec à peu près tout ce qui le relie au monde : il abandonne son travail de prof de littérature qu’il aime par-dessus tout, mais qu’il considère détourné de son sens par l’idéologie marchande qui colonise  l’université; il y a  la mère de sa fille avec qui il n’a en fait  jamais eu de relation autre qu’un flirt, qui a quand même donné naissance à sa fille dont il n’a jamais assumé la paternité. Même que celle-ci  échoue dans sa tentative de renouer un lien avec lui. Il refuse enfin  la fortune que son père lui offre en héritage sous prétexte que  c’est de l’argent mal acquis; père avec lequel il avait rompu pour les mêmes raisons morales. Cette exigence morale de Pierre est  portée par un absolu de beauté, de poésie, que lui inspire  l’écrivain polonais Edward Stachura. Tu écrivais que la vie de ce dernier, comme sa poésie, « était une recherche de l’impossible, une tentative pour franchir les frontières de la littérature, une éternelle errance (9) . »  On sait comment cela s’est terminé pour Stachura. Est-ce à ce prix qu’on atteint  la beauté? Ou doit-on voir les choses autrement : trop d’éternité dans l’élévation conduit au déracinement, à la perte du sens commun? C’est d’ailleurs la raison pour laquelle George Orwell disait se méfier des écrivains aspirant à la sainteté, à la manière de Tolstoï qui battait quand même ses serviteurs (10). Alors comment échapper à cette quadrature du cercle entre le lien qui enracine et la quête d’absolu, de beauté? Comment échapper à une éternelle errance ? Après avoir rompu tous les liens, que reste-t-il à Pierre, sinon  une exigence hautement morale tournée vers un héritage patrimonial pour le moins problématique, qu’on pourrait appeler avec Jacques Ferron le pays incertain ?

B.É. Tu as raison, il faut se méfier des gens qui veulent devenir des saints. Je reviens souvent à un texte de Pierre Vadeboncoeur, La dignité absolue (dans Les deux Royaumes) où il déplore que notre époque n’entretienne plus de rapport avec la sainteté, qu’elle ne la « nomme plus », qu’il n’existe plus cette conscience de « l’infini du bien » qui nous permet de nous distancier de notre vie immédiate. Cette sainteté-là est bien autre chose qu’un catalogue de prescriptions morales. Il s’agit plutôt de la conscience qu’il existe quelque chose au-dessus de nos petites personnes, des choses pour lesquelles il peut valoir la peine de vivre ou de mourir. Dans cet esprit, il n’y aurait pas pu y avoir de Résistance en France ou de luttes pour la justice en Amérique latine sans des sortes de saints. Et ces saints-là (laïcs ou non, croyants ou non) ont été humains, faillibles, charnels. Tout le mouvement de Tout ce que tu possèdes se trouve dans le désengagement progressif de Pierre, qui met sa vertu au-dessus de tout (ce qui n’est pas loin de rappeler l’attitude d’une partie de la gauche culturelle actuelle), et que son désir égoïste de pureté éloigne du monde alors que la solution à la question que tu poses se trouve au contraire dans l’engagement avec tout ce qu’il comporte de risques, y compris le risque de se tromper. Le danger évidemment est de faire de « l’infini du bien » une idéologie au-dessus de la vie elle-même. Mais pour en revenir à Pierre, il tente de revenir « à la vraie vie » à la fin du film en écrivant à sa fille. C’est sans doute trop peu, trop tard, mais enfin il redevient humain.

À propos de l’importance que tu accordes à l’attention au monde, on pourrait croire que tu as gagné ton pari, car dans les médias et les films ‒ que tu ne vois pas ‒, il est beaucoup question de  l’attention aux sensibilités diverses. Tu sais  qu’on développe dans les secteurs de la thérapie individuelle et sociale ce qu’on appelle le care (l’éthique de la sollicitude), qui n’est pas sans rapport avec l’idéologie woke qui déferle un peu partout, comme une aggravation du politiquement correct. Est-ce que ce ne sont pas des contrefaçons de ce que tu appelles l’attention  au monde?

B.É. ‒ Je n’ai certainement pas gagné mon pari, car l’attention au monde dont tu parles s’arrête le plus souvent aux limites du nombril de tous ceux qui s’autodésignent, comme on dit maintenant, comme victimes. Or, il s’agit d’abord d’être attentif  à ce qui n’est pas nous, et d’abord au passé. Pour moi, le rapport  au passé est capital. Dans son dernier roman, Julian Barnes tresse une histoire autour d’un personnage d’enseignante qui serait une sorte de Socrate contemporain. Dans un cours de culture générale, elle dit à ses étudiants : «  On est assez facilement prêts, lorsqu’on est lucides, à accepter le fait qu’on est déterminés par notre corps, par notre génétique ‒ encore que ce soit devenu assez litigieux de l’admettre ‒, ou par notre histoire personnelle, mais on ne pense pas assez à quel point on est déterminés par l’Histoire avec un grand H. Par la profondeur des siècles. » Moi, ça m’apparaît lumineux »… quand tu parles du care, on entend plutôt «  Oh oui, pauvre petite personne qui a eu une enfance difficile. »

J’aimerais qu’on approfondisse  cette question du rapport au passé, des déterminations historiques et de la transmission de ce qui rend possible une culture commune, parce que ce thème est tout aussi important dans ton travail que le lien. Je ne doute pas que tu fasses une distinction entre assumer l’histoire, y faire face,  et s’y soumettre aveuglément. L’Histoire, quand elle est interprétée de manière dogmatique, est tout aussi stérile que son rejet radical. Qu’est-ce que ce serait que d’avoir un rapport vivant à l’héritage? Ou qu’est-ce qui fait obstacle à ce rapport dialogique à l’histoire?

B.É. Nous ne concevons plus d’obstacles à notre liberté. Nous remettons même en question les limites de la biologie. Nous nous voulons autofondés, si je peux me permettre ce néologisme, au mépris du réel. Ce qui est évidemment absurde. Nous venons de quelque part. Quelque chose nous a fait. Sans même parler de la génétique, nous avons reçu en héritage un patrimoine culturel et linguistique qui fonde et limite notre être et notre liberté, et sans lequel il n’y aurait pas de vie en société possible. C’est banal de dire que nous sommes à la fois libres et déterminés et que nos vies se jouent dans un périmètre de liberté borné par l’histoire, la culture et la biologie. Mais au-delà de ces déterminations, il y a la beauté même de l’héritage linguistique et culturel. Refuser totalement ce legs est évidemment impossible, mais le renier, comme nous tentons de le faire maintenant, c’est porter atteinte à la beauté du monde. On se gargarise aujourd’hui avec le mot diversité, mais dans notre obsession de l’ouverture on met en péril ce qui fonde notre propre différence, et à la limite notre être même. Et ce qui se met en place aujourd’hui, c’est, sur un fond d’ignorance, une folklorisation, je dirais même une fétichisation des cultures et des différences qui masque l’uniformisation marchande du monde.

Pour défendre l’idée d’indépendance ou de souveraineté, certains nationalistes  invoquent  la protection de la langue française,  une culture supposément distincte ‒ de moins en moins distincte dis-tu. D’un autre côté, ces mêmes nationalistes prônent un  modèle économique conforme à la doctrine techno-capitaliste la plus brutale qui soit, celle-là même qui cause la destruction de la culture et des socialités fondamentales. Modèle que tu rejettes radicalement.  Et ce discours entre en conflit avec le marché des droits et des lobbies communautaristes. L’indépendance pour toi, dis-le-moi si je me trompe,  recouvre une dimension culturelle et politique infiniment plus complexe où culture,  économie et projet de société sont inséparables. Alors l’indépendance pour quoi faire?

B.É. Au fond, c’est très simple : pour sauver notre culture, notre langue, notre patrimoine, il faut arrêter de se conter des histoires avec le nationalisme civique : ce combat est celui des Québécois francophones de souche et de leurs apparentés. Il est évident que ce combat n’est pas celui des anglophones et de l’immense majorité des nouveaux arrivants qui rejettent cette identité et cet héritage et qui n’ont d’autre volonté que celle de se fondre dans le grand tout Nord-américain. L’assimilation – non, je n’ai pas peur de ce mot – ne se fait plus (l’intégration, même, est devenue plus que problématique) et la plupart des nouveaux arrivants viennent ici comme on entre dans un supermarché. Est-ce que de dire cela fait de moi un « nationaliste ethnique »? Aucunement : il ne manque pas de Lester, de Curzi, de Facal de Kotto qui ont adopté notre culture et nos combats. Comme en France les Zola, Weil, Perec ne sont pas autre chose que des Français. Alors je dois être un nationaliste culturel. Peu m’importe son origine, je pense que si quelqu’un adopte la langue et la culture québécoise, et pour cela il n'est pas nécessaire de renier ses propres origines, il est des nôtres, même, évidemment s’il s’oppose à l’indépendance, ce qui est parfaitement légitime. Mais le plein contrôle de nos institutions politiques et culturelles peut seul garantir la survie de notre nation, de sa langue et de sa culture à long terme. Ce plein contrôle s’appelle l’indépendance.

Dans un Québec indépendant, tel que tu le rêves, on fait quoi de tous ces héritages historiques et culturels qui s’entrecroisent ? Que faire de notre héritage de conquérant vis-à-vis des peuples autochtones et de cette impossibilité d’intégrer les nouveaux arrivants dont tu parles dans « Les derniers » ? Je veux insister sur ce trait de notre histoire qui s’impose aujourd’hui avec acuité, d’autant  plus que tu as consacré ton documentaire La terre des autres  (1995) à cette relation complexe entre les peuples. Il me semble qu’il y a ici aussi une démission des intellectuels, une incapacité à démêler le discours culpabilisant du politiquement correct et du multiculturalisme, et l’élaboration d’un véritable projet de société. À quelle condition est-il possible que toutes ces « histoires » collaborent à un projet commun, même si ce sera toujours de manière conflictuelle ‒ une société sans conflit est une société totalitaire?

B.É. Je ne referais pas ce documentaire aujourd’hui de la même manière. Pierre Falardeau m’avait dit à l’époque que j’étais assis entre deux chaises et je me rends compte aujourd'hui qu'il avait raison. J’avais écrit à l’époque que la dignité d’une majorité tenait à la dignité de ses minorités. C’est bien joli, bien vertueux, mais que faire lorsque les minorités ne reconnaissent pas la majorité et son droit à l’existence? Et que faire lorsque cette majorité est en fait minorisée par un cadre politique qui lui a été imposé? À mon sens, la nation comme regroupement  de nations souveraines qu’espère Québec Solidaire est un conte de fées. Que faire si les Innus et les Cris réclament l’entière souveraineté sur le territoire qu’ils occupent? On leur donne Hydro Québec? Et est-ce qu’on repartira en France lorsque les Mohawks réclameront le territoire non cédé mentionné dans toutes les occasions propices (festivals, premières, expositions, etc.) par l’élite culturelle bien-pensante? Tu as raison, il n’y a pas de projet de société sans conflits. Et je pense qu’il faut accepter le conflit sans perdre le sens des réalités ni celui de la justice. Quant à moi, je pense que nous sommes en train de lutter pour la survie de notre peuple et que s’il faut choisir entre l’extension illimitée des droits des minorités et notre disparition, je choisis de limiter cette extension et de ne pas disparaître, une attitude qui sera évidemment vue par la gauche multiculturelle et par tout le Canada post national comme une injustice. Évidemment pareil choix ne se pose jamais de façon aussi tranchée dans les situations concrètes. Il est bien possible que nous disparaissions de toute manière, mais je refuse le suicide vertueux. Et ici, si ce n'était pas tellement galvaudé (c’est devenu le couplet obligatoire des bien-pensants), je parlerais des apports des autochtones et des nouveaux arrivants. Parce que ces apports sont réels, qu’ils nous ont enrichis et que cela devrait entrer dans notre conception du pays. Mais on ne fera pas l’économie des conflits, du nombre et des rapports de force. En disant cela, je me rends bien compte que nous sommes nous-mêmes en situation de minorité et que sur le terrain des rapports de force, notre situation n’est guère brillante. Mais enfin, des rapports de force, ça se change. Cela s’appelle la politique. Un sursaut politique radical est notre seul espoir de survie à long terme.

Tu n’aurais pas envie de refaire du documentaire? Retourner sur le terrain, rencontrer des gens?

B.É. ‒ On m’a souvent posé la question et je réponds toujours que j’aurais trop peur. Peur de ne pas être assez bon. Peur de trahir. Parce qu’on joue avec la vie des gens. C’est délicat.

Avais-tu peur à l’époque? Quand tu es allé au Proche-Orient pour tourner le documentaire La terre des autres (11), par exemple.

B.É. ‒ J’étais inconscient. J’étais jeune cinéaste, je ne me rendais pas compte. Mais maintenant que j’ai fait de la fiction… En fiction on contrôle tout, on est entre adultes consentants, on raconte une histoire et puis bon, il n’y a pas de problème moral. Mais en documentaire… Le terme de cinéma-vérité inventé par Edgar Morin est tellement trompeur. Oui, lorsqu’il n’y a pas eu de mise en scène proprement dite, ce qui a été filmé a vraiment eu lieu, mais il ne faut jamais oublier que le cinéma est de part en part un art de la fabrication et que tout, du cadre et de la position de caméra jusqu’au montage image et au montage son influe sur le sens. Et, à la limite, tout dans un documentaire est mis en scène. Et le sens n’est jamais univoque. Quand je suis allé en Palestine justement, et en Israël, il y a un personnage, la mère du jeune soldat, qui m’a écrit après avoir vu le film (que je lui avais envoyé) pour me dire à quel point elle s’était sentie trahie. J’essayais de rester dans la complexité des rapports israélo-palestiniens, mais elle, elle s’est sentie trahie. Elle s’était confiée à moi. Je n’ai pourtant pas travesti sa pensée, pas une miette. De mon point de vue… Lorsque je lui ai envoyé le film, je pensais qu’elle serait heureuse parce que je montrais à quel point  ça peut aussi être complexe d’être Israélien. Moi je pense que le film montre ça, mais elle a eu le sentiment d’être trahie.

Trahie comment? Cette scène est bouleversante.

B.É. ‒ Parce qu’elle raconte comment son fils a dû faire son travail de soldat.

C’est pourtant lui-même qui raconte cette situation terrible qu’il a vécue, qui révèle tout le remord de ce jeune homme, son malaise face à la politique militaire d’Israël en Palestine. Sa mère et lui sont  côte à côte. Les propos qu’elle tient sur la politique coloniale d’Israël sont effectivement beaucoup plus conciliants que ceux de son fils. La mère et le fils ne posent pas le même regard sur la relation entre Israël et la Palestine.

B.É. ‒ Ah oui, c’est vrai! C’est lui qui la raconte. Selon sa mère, je n’aurais pas dû utiliser cette scène au montage, m’a-t-elle dit, elle s’est sentie trahie. Alors je me suis dit… Il y a deux façons de faire face à ce problème-là. On peut l’ignorer, se dire « ils m’ont confié quelque chose, j’en fais ce que je veux ». L’autre façon, c’est de se dire (soupir)…  et je pense que ce n’est pas juste deux façons intellectuelles d’aborder le problème, mais c’est aussi deux types de cinéastes : un type qui va fabriquer son film malgré tout, puis l’autre qui se dit : j’ai peut-être dépassé une limite. Dans ce cas précis,  je ne pense pas avoir dépassé de limite. Mais la question a continué de me hanter. Peut-être qu’il était temps que j’arrête de faire des documentaires. Aujourd’hui, je suis plus à l’aise dans la fiction.

Dans le livre d’entretiens La perte et le lien, pour qualifier ton style, ta manière de tourner, Simon Galiero parle d’âpreté (12). J’irais jusqu’à une forme d’ascèse. Tu  évites la  surenchère, l’excès. On pourrait presque parler d’une écologie de l’effet. Est-ce qu’il t’est déjà arrivé de retenir tes actrices, tes acteurs, leur dire n’en faites pas trop?

B.É. ‒ Bien sûr, tout le temps! Mais moins maintenant, parce que les acteurs auxquels je fais appel connaissent mes films. Ils savent d’emblée… Évidemment, je les dirige, mais j’ai moins besoin d’expliquer mon approche. Ascèse, je ne sais pas. Je n’essaie pas de faire un cinéma ascétique; j’essaie de m’approcher d’une certaine vérité. Je le dis mal… je n’aime pas le spectacle. C’est fou qu’un cinéaste dise ça.

Plus je fréquente tes livres et tes films, plus je découvre  une vaste géographie, un vaste territoire, des lieux déchirés par l’histoire. Ce qui donne vie à des existences également éclatées, mais qui s’efforcent… comment dire…  de se rapailler à défaut de s’enraciner. La  géographie humaine de ton œuvre est façonnée  par les voyages et les déplacements de tes personnages. Quelques exemples : dans ton documentaire Ceux qui ont le pas léger meurent sans laisser de traces (1992), ce sont les déplacements à pied ou en vélo d’Henri Turcotte qui marquent le territoire d’Hochelaga-Maisonneuve jusqu’au centre-ville de Montréal. Dans la nouvelle « Le frère de Françoise » (13), Françoise a grandi dans  Hochelaga, mais elle vit maintenant à Cape Cod, haut lieu de la bourgeoise bostonnaise. Comme sortie de territoire, physique et social, il est difficile de faire plus extrême. On est loin de la réalité des paysans Canadiens français qui s’exilaient vers les manufactures de Lowell, à une centaine de kilomètres de Cape Cod! Certains de tes personnages ont des liens filiaux  jusqu’en Chine (« Le grand-père de Zhu »). Cette géographie dépasse le Québec, même si on y revient la plupart du temps. Territoires physiques donc, mais territoires culturels aussi, territoires façonnés par l’histoire. Dans « Le fils de Doria », Paul fait un long voyage en automobile  de Petite-Rivière-Saint-François à Kapuskasing en Ontario en passant par Chibougamau et l’Abitibi. Il part de  Charlevoix, des rives du  fleuve Saint-Laurent, berceau de la Nouvelle-France, pour s’enfoncer dans les terres de l’Amérique du Nord-Est. Et ton narrateur songe aux  aventuriers de la Nouvelle-France qui montaient vers les Grands Lacs, voyages longs et périlleux d’où tout le monde ne revenait pas. En fait, par ton travail d’écrivain et de cinéaste, il faut le rappeler au lecteur, tu prolonges le travail de l’anthropologue que tu es et le documentariste que tu as été. Tu explores le territoire, le temps, le  lieu et les hommes qui l’habitent. Tu es allé en Palestine et en Israël pour capter des images et des paroles de ce conflit apparemment sans issue, sans doute le conflit le plus emblématique des problèmes identitaires et de cohabitations des peuples de notre temps. Tu es allé dans le Grand Nord, à Iqaluit, avec le même questionnement, celui de ta condition de Québécois, à la fois de conquis et conquérant.  Alors je reprends la question que tu poses dans ton documentaire La terre des autres  à Pnina Feiler, une femme juive qui s’est battue pour la paix entre Juifs et Palestiniens : « Pour les Québécois que nous sommes, est-ce qu’il est possible d’échapper au poids de l’histoire? »

B.É. ‒ On fait tout pour ça! On fait tout pour oublier, pour ne pas avoir à porter le poids d’un héritage, la responsabilité de sa transmission. On avait coutume de dire qu’au Québec le passé pesait trop lourdement, mais maintenant il ne pèse plus rien. Nous souhaitons nous débarrasser de notre difformité historique, du poids de la Conquête, de notre lien avec la France, de notre passé catholique et paysan, nous souhaitons être enfin libres de nous-mêmes, de notre langue et de notre passé, multiculturels et ouverts jusqu’à l’évanouissement. Je pense qu’on est mort. Ou en tout cas mourants. Sans l’improbable sursaut dont je parlais tantôt, dans deux-trois générations, ça va être au mieux le Nouveau-Brunswick au pire la Louisiane. Et je dis cela malgré toute l’admiration que j’ai pour les luttes, le courage et la résistance des Franco-canadiens. Mais si on est réaliste, leurs perspectives, finalement comme les nôtres, ne sont pas bonnes. Je regarde les nouvelles générations, l’anglicisation galopante de Montréal, la difficulté, voire l’impossibilité d’intégrer (je ne parle même pas d’assimiler) les nouveaux arrivants et, par-dessus tout, une sorte d’indifférence  nationale à notre disparition, sans parler du renoncement de nos élites.

Est-ce qu’il n’y a pas un désir obscur de disparaître comme nation (sinon comme humain)? Je vois une haine de soi, et pas seulement chez les nouvelles générations…

B.É. ‒ Une haine de soi, je ne sais pas. Mais un enfermement dans le présent, certainement. Et ce n’est pas propre au Québec, bien entendu. Dans tous les pays occidentaux, tous les rapports non marchands reculent. Le capitalisme est en train de compléter son programme de destruction de tous les liens humains. Il ne restera bientôt plus que des individus purs consommateurs qui croient ne rien devoir à personne, qui sont persuadés d’être totalement libres et jusque dans leur être biologique. Il n’y aura plus que du même et du présent. Quel appauvrissement! Mais malgré tout, il faut tenter de continuer ce monde qui nous a été donné, que nous avons reçu. Il y a quelque chose qui vit en nous qui n’est peut-être pas loin de s’éteindre, mais qu’on peut faire vivre quand même, même sans espoir.

Oui, il faut aimer les combats perdus d’avance, comme l’écrivait Réjean Ducharme.

B.É.‒ Ah! Ce sont les plus beaux! Ça ne sert à rien de faire des combats gagnés d’avance. Pourquoi les faire? Ils vont se gagner tous seuls. Mais nous sommes encore nombreux à garder conscience de cette beauté-là, de cet héritage. Minoritaires, mais nombreux. Des gens qui, de différentes façons, dans différents métiers, dans différents milieux, beaucoup de gens qui entretiennent encore un rapport au passé. Des jeunes aussi. Il y a quand même quantité de gens qui ont un rapport à l’histoire du Québec, à la culture québécoise, au territoire. Et au-delà de ça, à la culture paysanne, à la culture française qui nous a faits. Il y en a encore qui ont ce sentiment d’une continuité.

Il me semble que tes personnages sont souvent sinon en  fuite, du moins en quête de quelque chose, qui leur échappe en partie. Je sais que c’est un thème majeur de la littérature et du cinéma, de l’art sans doute en général, de la religion même. Mais je constate que dans la culture québécoise, on  a beaucoup fui pour échapper à la tradition, au nom de la liberté, comme si la liberté était toujours forcément vers plus de modernité, plus de détachement, de déracinement. La liberté libérale en fait. Il me semble que tes personnages fuient le contraire. Dans Une femme respectable, Paul-Émile est un déserteur, mais Rose aussi a fui dans sa jeunesse, à commencer par sa classe sociale en aimant un fils de jobber. Qu’est-ce qu’ils ont fui au juste?

B.É.‒ Je pense qu’ils fuient les rôles qu’on leur a assignés. Je pense que tous les deux auraient peut-être souhaité assumer ces rôles-là, mais ils en sont incapables. À la fois par nature et parce que leur liberté s’y oppose.

Peux-tu expliquer? Il me semble qu’à cette époque de l’histoire du Québec, la liberté n’est pas un impératif, sauf auprès d’une avant-garde, je pense au groupe du Refus global.

B.É ‒ On imagine toujours que le Québec d’avant la Révolution tranquille était monolithique. Mais ce n’était pas le cas. Presque toutes les familles comptaient des membres qui refusaient d’aller à l’église ou qui s'opposaient au curé, des femmes qui ne pliaient pas devant leur confesseur, des gens qui défiaient le député de l’Union nationale et qui en payaient le prix, naturellement. On ne parle pas ici d’une avant-garde, mais d’une minorité, des gens souvent ordinaires et qui étaient parfois isolés dans leur milieu, mais qui défendaient avec les moyens du bord ce qu’ils considéraient comme la justice. Ils étaient libres et ils étaient relativement nombreux. Il ne faut jamais penser que les déterminations sociales vont dans un seul sens, qu’elles ne souffrent pas d’exceptions et qu’elles sont exemptes de contradictions. Si c’était le cas, il n’y aurait pas d’Histoire, seulement du même. Et c’est ce qui me donne espoir. Dans la noirceur que je vois venir, il restera des espaces de lumière et de liberté, comme au Moyen Âge il est resté des moines pour recopier les textes de l’Antiquité et pour les transmettre.

Plusieurs auteurs avancent  que la liberté, c’est la faculté de s’autolimiter, individuellement et collectivement. La liberté est un fardeau en fait, un tourment, car elle vient avec des devoirs, envers soi-même et envers le monde. C’est ce que tu dis. Dans le monde ancien, on fuyait également, on rompait des liens, même si c’était pour plaire aux dieux ou aux mythes. Les aristocrates  partaient à l’aventure ou à la guerre, Ulysse par exemple. Mais chez les conquis, comme ce fut le cas dans un Québec encore récent, on partait surtout pour les chantiers appartenant aux grandes compagnies forestières pour fournir le cheap labor. Ou dans les mines. On fuyait la famille aussi, le village et le presbytère trop lourds. Les mieux nantis ou les plus délurés fuyaient en Europe, etc. Il existe d’innombrables façons de fuir : le mysticisme et l’esthétisme sont des fuites élégantes. La folie! Il n’y a pas que de la beauté dans le passé.

B.É. ‒ Mon dieu non! C’est clair! Est-ce qu’on vivrait dans le carcan moral de Rose Lemay aujourd’hui? Non! Je n’ai pas de nostalgie du passé, ça il faut le répéter : je n’ai pas de nostalgie pour ce cadre moral… Mais je n’ai pas voulu le noircir non plus. Par exemple,  j’ai choisi de  faire un curé sympathique. On sait que le curé détestable, c’est un poncif dans le cinéma québécois. Et je n’ai vraiment pas voulu faire ça. Le curé aime Rose, qu’il a baptisée et vu grandir. Ce n’est pas un monstre, bien au contraire.

Tu as souvent exprimé ton attachement au patrimoine catholique, tu t’es inspiré des vertus théologales pour élaborer une trilogie cinématographique  (unique en son genre au Québec), mais tu dis ne pas être croyant, tu défends la laïcité et, sauf erreur de ma part, tu n’as aucun goût pour les spiritualités orientales revisitées par le tourisme contre-culturel ou carrément marchand. Pourtant, avec les grands écrivains chrétiens que j’ai un peu lus, je pense à des auteurs comme Simone Weil, Ivan Illich et Jacques Ellul, on peut penser que l’institution religieuse, notamment catholique, a trahi le christianisme authentique  ‒ et pas mal de gens par le fait même.

B.É. ‒ Oui, c’est vrai, mais en même temps, comme Québécois, ce que je peux dire, c’est que l’institution nous a aidés à survivre culturellement, malgré tous ses défauts. Oui, l’institution a trahi, mais en même temps, la piétaille de l’institution, les frères, mais pas tous, les bonnes sœurs, mais pas toutes, les curés, mais pas tous… il y avait dans la piétaille, moi je pense, une majorité de gens qui ont voulu faire le bien. Mais bon, l’institution étant ce qu’elle est, là où il y a de l’homme, il y a de l’hommerie. Je n’ai pas de nostalgie pour ça et je n’aime pas non plus la moraline que véhiculent les curés qui restent, ni leur pathétique tentative de mettre au goût du jour le patrimoine religieux dont ils ont la garde. J’ai assisté ces dernières années à des funérailles qui étaient à hurler de niaiserie.  Je garde pourtant un attachement pour ce patrimoine, peut-être parce que, je ne sais pas par quel miracle, l’éducation chrétienne que j’ai reçue dans les années 1950 n’était pas doloriste. Je ne sais pas comment ça se fait, quelle sorte de religieux j’ai eus comme enseignants, mais on était plus dans la joie et dans le don que dans la pénitence et le repentir. Bien sûr, il y avait des prêtres funèbres et funestes. Mais je rappelle que beaucoup de religieux ont participé activement à la Révolution tranquille et à la création du Québec moderne.

Absolument! Le clergé et beaucoup d’intellectuels catholiques qui ont pris allégrement le tournant progressiste contrairement à tout un courant critique de la modernité triomphante ‒ je pense aux auteurs chrétiens « dissidents » que je citais un peu plus haut. Ce Québec moderne, fou de progrès et de réformes technocratiques, même en odeur de sainteté pourrais-je dire, tu le critiques sévèrement aussi, non?

B.É. Bien sûr. J’ai bien peur d’être un antimoderne. Mais pas au point de faire l’éloge de la pauvreté et de l’ignorance. La réforme des institutions enclenchée à la Révolution tranquille était plus que nécessaire, seulement j’ai le sentiment que des choses essentielles se sont perdues, que nous avons jeté le bébé avec l’eau du bain.

La dernière nouvelle de ton recueil Quatre histoires de famille (14) s’intitule « Le grand-père de Zhu ». Cet homme est assez emblématique de ta génération : technicien de cinéma, il a été indépendantiste convaincu dans sa jeunesse; il a beaucoup voyagé, il est libre de toutes attaches.  Au gré d’une relation sans lendemain, d’un flirt, il a eu un enfant ‒ comme Pierre Leduc, le personnage de Tout ce que tu possèdes. Ce qui est marquant selon moi dans ce personnage, c’est sa rupture avec son propre père, avec sa famille. Même qu’il haït profondément la famille. Mais le refoulé fait retour : sa petite- fille, Zhu, née d’une mère chinoise, qui ignore tout du Québec, vient à sa rencontre. Quelle bonne idée d’histoire, qui  me semble tout autant un récit de génération qu’une histoire de famille. Toutes tes histoires sont en fait des récits de générations, qui sont des histoires de ruptures et, parfois, peut-être, de réparations?

B.É. ‒ Oui, oui, absolument. Moi, j’ai deux petites-filles qui vivent au Japon, qui ne parlent pas français et qui n’ont aucun lien avec le Québec.… Je suppose que j’ai rêvé de cette rencontre qui ne se produira peut-être pas.

Ta nouvelle comporte une fin ouverte : on ne sait pas ce qui adviendra de la rencontre de Zhu avec son grand-père…  Dans ton rêve le plus fou, il arrive quoi?

B.É. Je ne sais pas, et c’est pourquoi la fin est ouverte. De ma part, c’est l’expression d’un optimisme modéré. C’est peut-être l’âge, mais des rêves fous, je n’arrive plus à en faire.

Comme la plupart des  individus donc, tu es  complexe et contradictoire, mais tu es cinéaste et écrivain, dont l’œuvre tend à la cohérence. Et j’inclus dans l’œuvre ta pensée politique, politique au sens exact du terme. Contradictoire : tu es un grand solitaire, tu peux passer beaucoup de temps seul  dans le fond des bois à contempler la nature, tu écris, travail encore de solitaire.  Je t’imagine bien en  exilé de l’intérieur, en retrait, en rupture même avec l’hédonisme de consommation que tu condamnes.  D’un autre côté, tu travailles dans l’industrie du cinéma, qui exige de coopérer avec de grosses équipes, dans un environnement de technologie avancée, qui flirte avec la séduction du public. Et pour coiffer le tout, tu n’hésites pas à exprimer avec force ta pensée politique sur diverses tribunes. Comment arrives-tu à concilier toutes ces facettes?

Ce n’est pas bien difficile de concilier tout ça : quand on fait un film aux trois ou aux cinq ans, on a pas mal de temps pour réfléchir à autre chose qu’au film qu’on souhaite tourner. Alors on marche, on réfléchit, on lit, on écrit et parfois avec beaucoup de plaisir. Mais finalement, quand le film est financé, je me sens comme un cheval qui sort de l’écurie. Enfin de l’air! C’est un bonheur de retrouver les comédiens, les équipes, de se mettre à quarante, cinquante et de pouvoir essayer de fabriquer un peu de beauté. On a beau utiliser une technologie de pointe, un film, en tout cas un film avec le genre de budget qu’on m’accorde, reste quelque chose d’artisanal. Une pièce unique, faite à la main, dans le respect du travail, avec l’amour de la chose bien faite.  Et puis, quand on a la chance de travailler avec des comédiens et des comédiennes de la trempe d’Élise Guilbault, de Guylaine Tremblay, de Paul Savoie, de Patrick Drolet, d’Hélène Florent… Hélène Florent est tellement formidable. C’est formidable de pouvoir travailler avec une comédienne comme elle. C’est non seulement avoir le privilège de travailler avec elle en répétition, puis en tournage, mais aussi, après, en montage, tu restes 10, 12 semaines avec son image. Voir une comédienne de cette trempe-là jouer, ça me bouleverse… son sens de la nuance…C’est comme de la musique. On entend un vrai musicien jouer une sonate de Beethoven, pas un tâcheron, mais un musicien qui a vraiment le sens de la musique, de la nuance, qui a travaillé sa partition, qui a réfléchi à comment la faire, à ce que ça dit… C’est un peu la même chose avec les comédiens.

Ce sont des virtuoses?

B.É. ‒ Non, je me méfie de la virtuosité. Mais quand les comédiens acceptent de concentrer leur jeu, de travailler dans la retenue, il me semble qu’on arrive à quelque chose de bien. Et moi j’ai le bonheur de travailler avec des comédiennes et  qui ont accepté de faire ça. Je pense que ce n’est pas loin du soin dont tu parlais, le vrai soin, le soin que l’acteur met à composer son personnage, le soin que le réalisateur doit porter au jeu, à l’image, le soin que chaque membre de l’équipe apporte à son travail. On est vraiment dans le soin, dans l’attention au monde. Quand tout le monde fait son travail comme il faut, je pense qu’on sauve un peu de beauté. C’est pour ça que j’aime ce métier.

J’ai eu le privilège de tourner avec des techniciens formidables pendant vingt ans. Il y en a qui vieillissent, d’autres qui disparaissent, comme mon directeur photo, Jean-Pierre Saint-Louis, à qui je dédie Une femme respectable. Il y a des gens sur mes équipes qui sont là depuis longtemps. Sophie Lefèvre fait les costumes de mes films depuis vingt ans; ma première assistante à la réalisation, le preneur de son, des gens avec qui je travaille depuis toujours. Je leur dois beaucoup. Eux ont fait trente, quarante, cinquante films, et pour moi ce n’est que le neuvième. Ils ont une expérience dont ils me font bénéficier, avec une grande générosité. C’est vraiment un privilège de pouvoir compter sur des gens comme eux. D’ailleurs, faire un film comme Une femme respectable, un film d’époque, c’est très difficile à faire avec le budget qu’on avait. Si tu savais ce que ça coûte de reconstituer un intérieur bourgeois d’époque! Mais les gens de l’équipe ont été d’une générosité extraordinaire : aux décors, aux costumes. On savait qu’il fallait économiser sur tout, mais ça ne paraît pas dans le film. C’est un grand plaisir de bricoler ainsi. Alors oui, je suis un solitaire, mais j’aime ce travail du cinéma.

 

Bernard Émond avec Gilles McMillan, 10 mai 2023



[1] Cet entretien a débuté à l’automne de 2022 dans les studios Difuze de Montréal et s’est poursuivi par écrit au cours du printemps 2023. Il est publié en partie dans la revue Argument, vol. 6, no 1, automne-hiver 2023-2024 et en totalité sur le site de la revue.

[2] Simone Weil, « L’harmonie sociale » dans La pesanteur et la grâce, Librairie Plon, Agora, 1988, p. 270.

[3] « Les derniers », publié sur le site de L’action nationale en juin 2020.

 [4] Il y a trop d’images. Textes épars 1993-2010, Lux éditeur, 2011.

[5]. «  Trois notes brèves » dans  Il y a trop d’images, op. cit.

[6] Luigi Pirandello, Nouvelles pour une année II, traduit de l’italien par Henriette Valot et Georges Piroué, Gallimard, 1973. Le titre italien de la nouvelle, Pena di vivere cosi  pourrait être traduit par « La douleur de vivre ainsi » [B.É].

[7] Quatre histoires de famille, Montréal, Leméac, 2022.

[8] Gilles McMillan, « Marcher sur les rails » dans Tout ce que tu possèdes. Un film de Bernard Émond. Scénario et regards croisés. Montréal, Lux éditeur, 2022, p. 99-109.

[9] Bernard Émond, « J’ai dormi par terre dans la maison de nos ancêtres », ibidem, p. 12.

[10] Bruce Bégout, De la décence ordinaire. Court essai sur une idée fondamentale de la pensée politique de George Orwell, Éditions Allias, 2008, p. 39 et suivantes. Sur le même thème de la méfiance d’Orwell à l’égard de la sainteté et de la perfection, Simon Leys, Orwell ou l’horreur de la politique, Plon, 2006, p. 16 et 17.

[11] La terre des autres, Les films du 3 mars, 1995.

[12] Bernard Émond et Simon Galiero, La perte et le lien. Entretiens sur le cinéma, la culture et la société, Médiaspaul, 2009, p. 22 et suivantes.

[13] « Le frère de Françoise » dans Quatre histoires de famille. Op.cit.

[14] Quatre histoires de famille, op. cit.2022.

 

Dans ce site, sur l’œuvre de Bernard Émond : 

 L'art est une bouée de sauvetage

À propos de Contre toute espérance, Éveiller l'humanité

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