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lundi 31 janvier 2022

L'adieu aux âmes

 

 

Sous les piliers d’un futur  sans passé incarné au cœur des jours,

des travaux, des heures s’écoulent,

des jours et des pleurs se recyclent en plaquettes de silicone.

 

Générations irradiées d’avenirs radieux s’anéantissent  

cool liquéfiées, drainées dans des bassins d’eaux lourdes,

générations empressées de se dissoudre dans des promesses techno-religieuses

efficientes.

 

Quatre roues motrices : l’innocente amazone s’écrie, folle de joie et d’ivresse, hypermobile : 

« Fuck you le monde! Je vous passe dessus! »

Doigts d’honneur s’enfoncent mâlement dans l’éternité numérisée

non-binaire, non-genrée, plus automatique qu’autonome, évanescente, hypermaternelle.

 

Crisse le train d’atterrissage sur le tarmac des Universités et des Églises aculturées

Nord et Sud dévastés, Est et Ouest désertés, palmiers et glaciers virtuels.

 

L’adieu aux âmes est imperceptible,

sans monument ni coups de canon,

sans drapeau transcendant,

inaudible, invisible, dissimulé dans le spectacle de la fin

‒ sous votre oreiller, certaines nuits de grands naufrages, 

vous entendez encore son insoutenable lamentation.

Triste consolation : sauve qui peut vers nul ailleurs,

Mais tout ira bien mieux sans elles, plus vite.

 

L’adieu aux âmes est silencieux.

Sans état d’âme, somnambulique.

L’adieu aux âmes vers nul ailleurs,

l'esprit voguant sur l'équivoque infini du monde. 

L'adieu aux âmes.

 




Le doute est une médiation, un pont, une passerelle, une pulsion puis une pensée d’une certitude vers son contraire. C’est un sentier découvert sous les autoroutes, une mise à distance de son appétit, pour rester insatiable, de sa soif de savoir, de croire, de liberté et d’amours faciles: éloigne ce calice de ma vue ‒  divertissement, tranquillité de l’esprit, etc. Situations troubles et limites, fertiles en lieux communs et justifications : j’en reprendrai bien un peu, mais pour vous accompagner. Je sais que c’est du poison, mais c’est plus fort que moi. Que voulez-vous, on ne se refait pas. Il faut bien gagner sa vie, produire et consommer, quitte à dévorer un peu de son prochain. Soyons tolérants, gardons l’esprit ouvert, une dent creuse. Cannibalisme bien ordonné commence par autrui. Ne pas être plus catholique que le pape. Personne n’est parfait, même pas le pape, de moins en moins chrétien, de plus en plus technique. Personne n’est parfaitement imparfait, mais techniquement cela viendra. Que ta volonté soit faite, mais d’où parles-tu, Seigneur? De quelles roues motrices, de quelle plateforme, de quelle chaire, de quel palais ? La religion d’État effondrée, la parole du Jésus historique revivra-t-elle, sans ostentation ?  Peut-elle surgir de sous les reliques d’Église? Chrétiens, encore un petit effort! À cette  résurrection je pourrais croire si elle survenait.  

Reste que le bonheur ne se trouve que dans la joie : un oiseau d’été pourrissant sa chair sous une pierre au Pôle Nord* en vue d’un festin; des petits enfants qui passent sous ma fenêtre comme une volée d’outardes qui piaillent sans savoir pourquoi. Moi je les vois, les entends et je ris.

Que voulez-vous? on ne se refait pas.

Que voulez-vous?

Je les vois, les entends et je ris.

 

*Jean Malauri, Les derniers rois de Thulé.